Le syndrome néphrotique idiopathique est une entité anatomo-clinique définie par une protéinurie sélective massive (>3gr/24 heures) et une hypoalbuminémie (<30gr/l) sans lésions glomérulaires visibles en microscopie optique et sans dépôts d'immunoglobulines ou de compléments en immunofluorescence. L'atteinte glomérulaire n'est habituellement pas associée à une infiltration de cellules sanguines ou de prolifération de cellules résidentes.
Il correspond essentiellement à deux formes, le syndrome néphrotique à lésions glomérulaires minimes (SNLGM, néphrose lipoïdique) et la hyalinose segmentaire et focale primitive (HSFP). Le SNI représente 85% des néphropathies d'origine glomérulaire de l'enfant et 25-30% de celles de l'adulte.
La réponse au traitement corticoïde permet de distinguer les formes sensibles et les formes résistantes au traitement corticoïde. Indépendamment de la classification histologique, les formes corticosensibles jouissent d'un bon pronostic, tandis que les formes corticorésistantes ont un pronostic plus réservé, qu'il s'agisse de SNLGM ou de HSF. Environ 80% des SNLGM et 50% des HSFP sont corticosensibles, mais les rechutes s'observent dans les deux tiers des cas lorsque les doses de corticoïdes sont réduites ou après l'arrêt du traitement, nécessitant chez certains patients l'introduction de drogues immunosuppressives telles que les anticalcineurines (ciclosporine, prograf), des inhibiteurs de la synthèse de nucléotides (mycophenolate mofétil) ou des agents alkylants (cyclophosphamide, chloraminophène).
Parfois, la rémission complète ne peut être obtenue, en dépit de traitements successifs. Habituellement, ces patients développent, après un délai variable, des lésions de glomérulosclérose et évoluent vers l'insuffisance rénale chronique terminale.
Le risque majeur après transplantation rénale est la récidive de la maladie sur le greffon. Il est estimé à 30% à la première transplantation, mais peut atteindre 100% si le greffon initial est détruit par la maladie primitive. Il n'existe pas pour l'instant de marqueurs moléculaires qui permettent de distinguer ces formes cliniques ainsi que les différents profils évolutifs. On considère que les formes résistantes au traitements mais qui ne récidivent pas après transplantation rénale sont causées par des anomalies intrinsèques de gènes (mutations ou délétions) qui sont impliquées dans le fonctionnement de la barrière de filtration glomérulaire. En revanche, les formes corticosensibles ou qui récidivent après transplantation seraient liées à des altérations du système immunitaire.
La hyalinose segmentaire et focale est caractérisée par une hétérogeneité morphologique qui repose probablement sur des mécanismes pathogéniques différents. La classification de Columbia individualise cinq types de lésions HSF en fonction de leur emplacement topographique au sein du floculus glomérulaire et par la nature des altérations endocapillaires et extracapillaires associées :
A côté des formes primitives ou idiopathiques de syndrome néphrotique, il existe des formes secondaires qui sont suspectées devant des antécédents (maladies générales, infections, prise médicamenteuse, expositions aux toxiques, tumeurs malignes) et le contexte clinique (signes extrarénaux) qui vont orienter le choix de certains examens biologiques (sérologies des hépatites et du VIH, étude du complément, anticorps anti-nucléaires) ou d'imagerie (radio des poumons, scanner). Le caractère idiopathique du syndrome néphrotique n'est confirmé que lorsque l'enquête étiologique demeure négative.
La fuite massive de protéines dans les urines résulte d'une hyperperméabilité de la barrière de filtration glomérulaire qui est composée de trois types d'éléments, l'endothélium fenestré du capillaire glomérulaire, une membrane basale glomérulaire, et les cellules épithéliales viscérales très différenciées appelées podocytes qui sont des cellules polarisées baignant dans le filtrat de l'espace de Bowman et ancrées à la membrane basale par des expansions membrano-cytoplasmiques appelées pédicelles.
L'espace entre deux pédicelles adjacents forme une fente étroite de 40 nm de largeur appelée fente de filtration qui est recouverte sur son versant externe par une structure membranoide hautement spécialisée appelée diaphragme de fente lequel constitue l'ultime barrière de filtration qui s'oppose aux passages de protéines dans la chambre urinaire.
On peut schématiquement distinguer trois structures complexes et hautement dynamiques qui contrôlent l'intégrité de la barrière de filtration :
La membrane basale glomérulaire (MBG) est une matrice extracellulaire acellulaire qui recouvre l'endothélium des capillaires glomérulaires et qui est composée essentiellement de laminine 11 (a5, b2, g1), de perlecan, de collagène de type IV, de nidogène et de protéoglycans. L'atteinte podocytaire dans le SNI peut résulter soit d'une anomalie structurale, soit d'une altération des signaux cellulaires, aboutissant à une perte de l'intégrité fonctionnelle qui est réversible dans les formes sensibles au traitement et irréversible dans les formes résistantes.
Des avancées décisives ont été accomplies ces dernières années dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques impliqués dans la pathogénie du syndrome néphrotique idiopathique. Les résultats d'étude fondamentales mais aussi des données cliniques suggèrent que cette glomérulopathie est une maladie « bipolaire » avec un versant dysimmunitaire qui pendant de nombreuses années s'est focalisé sur les anomalies des fonctions lymphocytaires T et un versant rénal touchant l'intégrité structurale et fonctionnelle du podocyte et du diaphragme de fente.
L'hypothèse d'un facteur circulant produit par les cellules mononuclées et peut être par certaines sous populations de lymphocytes T comme étant à l'origine d'une dysfonction de la barrière de filtration glomérulaire reste d'actualité mais des données récentes suggèrent aussi une implication de l'immunité innée et une dysfonction lymphocytaire B au cours de la pathologie.
En parallèle, des études expérimentales ont clairement démontré que le diaphragme de fente n'était pas uniquement une structure statique responsable du maintien de la perméabilité glomérulaire mais aussi une plateforme dynamique qui communique en continu avec le cytosquelette des podocytes via un recrutement séquentiel des protéines présentes dans les couches lipidiques de la membrane plasmique. Cette signalisation bidirectionnelle qui est cruciale pour le maintien de l'intégrité fonctionnelle et la survie du podocyte est vraisemblablement altérée au cours du SNI.
Syndrome néphrotique idiopathique à rechutes