Daniel Hillion vient de mourir, il avait 57 ans.
Sa carrière est à son image, toute droite.
Interne des hôpitaux de Paris de 1973 à 1977, il avait dans le même temps obtenu une maîtrise de biochimie (Professeur Comtesse – Faculté des Sciences Paris VII), un certificat d’études supérieures de physiologie (Professeur Poccidalo – Paris V) et une maîtrise de biologie humaine en immunologie ; vous avez compris que Daniel Hillion était un homme actif, avide de connaissances et qu’il avait acquis une solide formation de clinicien et de chercheur. De ces années, je ne retiendrai que deux lieux où il avait apparemment été marqué par des personnalités fortes et instruites : l’hôpital Tenon où il s’était initié à la néphrologie dans le service du Professeur Gabriel Richet et l’hôpital de Clamart où il avait poursuivi pendant quelques années des recherches dans le laboratoire du Professeur Dormont.
Daniel Hillion est donc arrivé au Centre Hospitalier Intercommunal de Poissy en octobre 1977 comme chef de clinique – assistant et il y est resté. Tout naturellement, il a été praticien hospitalier, chef de l’unité d’hémodialyse chronique itérative puis il m’a remplacé en 1998 en tant que chef de service de médecine interne à orientation néphrologique.
Je voudrais maintenant après ce bref rappel, faire un commentaire plus personnel pour autant qu’on puisse connaître une personne que l’on a côtoyée, certes durant des décennies, mais seulement au cours d’activités professionnelles.
Sa mort prématurée permet de s’arrêter sur ces disparitions précoces et leurs mystères. On était loin de l’envisager quand on était en présence de Daniel il y a seulement un an et ce pour plusieurs raisons, d’abord physique, il se dégageait de lui une force agissante; de constitution solide presque massive, pieds bien posés au sol avec de vraies racines campagnardes, une maison dans l’Aubrac, un amour du terroir et de ses produits. Malgré des déplacements nombreux dans les congrès de néphrologie à travers le monde, on peut dire que Daniel Hillion était casanier, ancré, n’aimant pas l’aventure comme l’atteste son cursus professionnel. La seconde raison était d’ordre psychologique, en face de lui, on était en présence d’une volonté, d’une tension permanente vers un but, soigner, soigner vite et bien comme si déjà le temps était compté en donnant des explications à ses patients comme s’ils avaient fait eux-mêmes plusieurs années de médecine, Daniel Hillion était en à-venir permanent.
Une dernière raison était d’ordre familial, ses deux filles et son fils avaient trouvé leur place, sa femme, médecin également, venait de cesser ses activités professionnelles et surtout il avait eu la joie de s’initier à l’art d’être grand-père et un deuxième petit-fils lui était né quelques jours avant sa mort sans qu’il ait pu le voir.
Alors pourquoi ? Chacun peut essayer de donner sa réponse.
Mais la maladie était là, niée pendant plusieurs mois comme savent le faire les médecins elle a fini par prendre le dessus. Ce ne fut pas sans lutte et Daniel est venu à l’hôpital jusqu’à l’extrême limite de ses forces, souffrant de se sentir inutile, déjeté, pesant pour lui et pour son entourage.
Sa disparition a laissé un vide.
J.P. Fendler