extrait du discours du Pr Françoise Mignon à l'Assemblée Générale du 1er octobre 2003 à Nancy
... Nous sommes très nombreux à avoir éprouvé une grande tristesse en apprenant le 21 juin, le décès du Professeur Marcel Legrain, au terme d’une maladie à laquelle il fit face avec un courage admirable. Sa fille aînée, Sylvie, Professeur de Gériatrie au Centre Hospitalier Universitaire Bichat, est avec nous ce soir, au moment où nous évoquons sa mémoire.
Marcel Legrain fut l’un des plus brillants leaders de notre spécialité. Son œuvre a considérablement influencé les 40 récentes années.
Très jeune orphelin de père, il débuta ses études de Médecine pendant la guerre. Il n’hésita pas à interrompre son externat pour s’engager aux côtés de ses premiers Maîtres. Il revint en 1945, après la campagne d’Allemagne. Il reçut la Croix de Guerre.
Pendant son internat, il découvrit ce qu’était alors la néphrologie naissante et consacra sa thèse aux néphrites aiguës anuriques avant de partir à Boston compléter sa formation chez John Merril.
C’est alors que commença une carrière de visionnaire et de pionnier. Visionnaire, il le fut en créant à l’Hôpital Foch, avec son ami Urologue le Professeur René Kuss, le premier département d’Uro-Néphrologie afin de mettre à la disposition des malades une structure capable d’assurer ce que nous appelons maintenant le traitement intégré de l’insuffisance rénale chronique. Ce département trouva sa pleine expression quelques années plus tard, à La Pitié-Salpêtrière. Dans cet établissement, le Professeur Legrain fit œuvre de pionnier. C’est lui qui, le premier, proposa les traitements de suppléance aux diabétiques, fit face aux complications initiales des traitements par dialyse péritonéale. Il fut à l’origine des premiers travaux relatifs à l’épidémiologie des maladies rénales en France, sans oublier son implication dans les domaines de l’économie de la Santé et de la toute jeune Néphro-Pharmacologie.
Excellent pédagogue, nous n’oublierons pas ses synthèses, très appréciées, notamment lors des séminaires d’Uro-Néphrologie qu’il créa en 1975. Nul mieux que lui ne savait rendre clairs les sujets les plus difficiles.
En dehors du cadre hospitalo-universitaire, ses activités furent multiples. Il présida notre Société de 1977 à 1979, au moment même où il présidait aussi l’EDTA. L’AURA de Paris, qu’il présida pendant 8 ans, lui doit beaucoup. Il sut l’ouvrir à toutes les alternatives à la dialyse à domicile.
En 1986, Monsieur Legrain décida d’une retraite prématurée, pour partir en Algérie, aider les Néphrologues qu’il avait antérieurement accueillis dans son Service. Pendant 2 ans, il sillonna ce pays pour enseigner et conseiller. Comme l’ont écrit nos collègues algériens, Marcel Legrain demeurera pour eux « le symbole du dynamisme, du courage, de la persévérance et de l’aide à l’autre ».
A son retour, Monsieur Legrain ne resta pas inactif. Membre de l’Académie de Médecine, il se consacra à des travaux de Santé Publique, domaine dont il avait très tôt compris l’importance.
Comme nous l’a si bien dit, le jour de ses obsèques, son élève et son grand ami Claude Jacobs, Monsieur Legrain avait une personnalité très attachante et des qualités exceptionnelles dont nous retiendrons, en particulier, la générosité et la fidélité :
« - générosité dans l’exercice de son métier de médecin, d’enseignant, aussi bien que dans ses engagements au service de multiples activités d’intérêt général,
- fidélité à ses convictions professionnelles et personnelles fortes et à ses nombreux amis ».
Ma chère Sylvie, ceux d’entre nous qui vous furent proches, n’oublieront pas la chaleur de l’accueil de tes Parents et leur inépuisable disponibilité. Je sais qu’ils ne furent pas étrangers à ta double orientation vers la Gériatrie et la Santé Publique. Ils étaient heureux de ta réussite et de celle de tes frères et sœurs.
Nous avons admiré le courage dont vous avez fait preuve face à la longue et douloureuse maladie de Mme Legrain qui vous a, elle aussi, quitté il y a quelques mois. Dans cette période difficile où vous vous retrouvez face à l’absence de Parents admirables, nous souhaitons vous redire à tous les quatre, l’estime, l’affection et la reconnaissance que nous portons au Professeur Marcel Legrain qui ne sera pas oublié.
Françoise MIGNON
Présidente de la Société de Néphrologie
Nancy, le 1er octobre 2003
Voir aussi le numéro de Néphrologie 2003, vol 24, numéro 8
Voir aussi l'hommage de la communauté néphrologique algérienne
Voir aussi l'hommage de Stewart Cameron dans NDT
extrait du discours du Pr Françoise Mignon à l'Assemblée Générale du 1er octobre 2003 à Nancy