Eloge par M. Laville - Réponse de J. Traeger - Diaporama
Monsieur Traeger,
Monsieur le Président,
Chers Collègues et Amis,
Je suis très heureux de voir notre Société vous décerner sa Médaille Jean Hamburger, et très honoré d'introduire cette cérémonie.
Tous ici vous connaissent, au moins de réputation, même si beaucoup, parmi les plus jeunes membres de notre communauté néphrologique, ne savent pas exactement ce que vous avez apporté à la Néphrologie, avant de vous intéresser à la dialyse quotidienne, qui vous donne l'occasion de vous exprimer encore, comme un jeune chercheur, lors de nos réunions.
Un bref retour en arrière s'impose, pour retracer une carrière de médecin et de chercheur, exceptionnelle. Quelques repères :
- La formation : Clinique avec l'Internat des Hôpitaux en 1946, mais déjà aussi scientifique, avec une licence de Sciences en 1950, le diplôme d'Etudes nucléaires de Saclay en 1952.
- Les responsabilités hospitalières : chef de service de Néphrologie et Maladies Métaboliques de 1965 à 1986, à Lyon, à l'Antiquaille puis à Edouard Herriot (Grange Blanche)
- Les responsabilités universitaires : Chargé de cours en Biochimie en 1952, Professeur de Clinique de 1967 à 1986, et la création d'une école de Néphrologie, qui a très largement dépassé les frontières nationales, formant de nombreux néphrologues au Moyen Orient, en Amérique du Sud, au Japon, grâce aux innombrables réunions que vous avez organisée, dont le très célèbre Cours International de Transplantation et d'Immunologie Clinique, qui a chaque année formé pendant 35 ans de nombreux néphrologues aux aspects cliniques et fondamentaux de la transplantation. Ecole qui me donne l'occasion de saluer la mémoire des Pr. Zech et Revillard, trop tôt disparus.
- Les responsabilités scientifiques : directeur de l'Unité INSERM U80 de 1968 à 1984, assurant ainsi une coordination efficace entre clinique et recherche.
- Les responsabilités collectives : Président de la société de Néphrologie, de la société française de transplantation, de la Société européenne de dialyse et transplantation, de la commission nationale d'hémodialyse et transplantation, Vice-Président de France Transplant.
- Les distinctions : Professeur Emeritus de Néphrologie, Membre correspondant de l'Académie nationale de Médecine, Docteur honoris causa de nombreuses universités en Europe (Liège) et bien au-delà. Et tout récemment, le 8 décembre 2003, Commandeur de la Légion d'Honneur.
- Et surtout, le fruit de ce travail, vos contributions à la Néphrologie, caractérisées par un désir et une volonté d'innovation thérapeutique de toute l'équipe :
- l'hémodialyse chronique dès 1961, avec Guy Laurent
- l'organisation de la dialyse à domicile : l'AURAL, 1974, avec Paul Zech
- la transplantation rénale dès 1965, avec Jean Perrin, Eugène Saubier, Jean-Pierre Revillard, Jean-Louis Touraine
- le sérum anti-lymphocytaire en 1966, avec M. Carraz
- La transplantation pancréatique et rénale simultanée en 1976, avec JM Dubernard
- La promotion de l'hémodialyse quotidienne, avec Roula Galland.
Il est plus difficile de présenter l'homme, et pour cause : je ne travaille avec vous que depuis 25 ans ! Quelques mots peuvent donner une idée de l'homme que vous êtes, attachant et complexe.
- La rigueur et l'exigence, au début, paraissent presque inhumaines à l'interne débutant. Comment mémoriser l'évolution des créatinines sur la durée du séjour des 33 malades de l'unité ? Comment comprendre, et suivre, un patron qui arrive toujours le premier, qui part le dernier, qui visite chaque unité de son service plusieurs fois par semaine, arrivant parfois le samedi à midi, qui consulte le samedi après-midi, qui organise des réunions le dimanche ! Mais quelles leçons à tirer de l'analyse synthétique d'une observation. Ne jamais négliger une information, la mettre en perspective, analyser les tendances, ... Ah les tableaux de suivi des greffés ! M. Traeger m'a confié un jour que son grand regret était de ne pas avoir informatisé les dossiers des patients quand il dirigeait le service. On voit bien ce qu'il aurait pu faire de cet outil. Mais finalement, c'est peut être une bonne chose que vous ne vous soyez pas engagé dans cette voie à l'époque. Vous auriez probablement été fort déçu, les outils étaient si rudimentaires ... et le sujet est toujours d'actualité ! En attendant, votre maîtrise des derniers outils technologiques, du home cinéma au smartphone, en passant par la photographie numérique, est impressionnante !
- L'efficacité. Pourquoi perdre du temps, il y a tellement de choses à faire. Se concentrer, réfléchir, explorer les solutions possibles, définir une stratégie. Et après, il y a du temps pour la réflexion, l'imagination, ou même pour en perdre, tout simplement, à condition de l'avoir choisi. Ne pas se laisser guider par les circonstances... Et toujours le conseil : gardez vous du temps pour réfléchir.
- La curiosité : des faits, des lieux, et surtout des hommes. Les pays, les collègues, les organisations et les pratiques, les échanges, la courtoisie et la disponibilité sont exemplaires : qui parle de jet lag ? Et pourquoi se limiter à cause de petits soucis de santé ?
- La fidélité, c'est aux hommes, aux malades, avec cette exceptionnelle disponibilité, cette fidélité à l'équipe, aux amis anciens et récents. La froideur première est ici réserve, la confiance se gagne, mais acquise elle est sans faille, toujours exigeante toutefois.
- L'imagination : voir non ce qui se fait, mais ce qui pourrait être fait, et surtout être utile. La dialyse chronique, la greffe de rein, de pancréas, les plasmaphérèses, les immuno-adsorptions sélectives, la dialyse quotidienne. La fidélité est aussi aux idées : il faut du temps pour convaincre, organiser, réussir. Pas toujours, bien sûr, les échecs portent aussi leur message.
- Enfin, l'humour : pas évident au début ! Mais toujours sous-jacent, surgissant où on ne l'attend pas, du moins dans le travail.
Car en mer, c'est autre chose...
Au nom de notre communauté néphrologique, et en mon nom propre :
Merci, Monsieur Traeger.
Maurice Laville