Films - Photos remise médaille
Le Président de notre Société m’a proposé de dire quelques mots d’introduction avant de remettre la médaille Jean Hamburger à Raymond Ardaillou, dont je suis, parmi d’autres, l’élève. C’est un grand honneur pour moi et que j’ai accepté avec une certaine émotion, sachant bien que d’autres élèves auraient eu ici la même légitimité. Pierre Ronco m’a précisé qu’il était d’usage de parler brièvement de l’œuvre et de la personnalité du récipiendaire. Ce que je fais. Tous nos collègues connaissent Raymond Ardaillou et tous savent qu’il est né dans le Sud-Ouest, précisément à Villeneuve sur Lot. Le détail a de l’importance parce que cette origine géographique explique peut être, en plus de l’accent, une certaine chaleur, une simplicité, une facilité dans les contacts qui sont des qualités indispensables à la formation d’une équipe à la fois hospitalière et universitaire.
Raymond Ardaillou a été Interne puis Chef de Clinique-Assistant dans le service de Jean Hamburger à Necker. Il y a été le témoin puis l’un des acteurs de l’essor de la Néphrologie et d’une manière générale de la médecine scientifique ou, traduit en langage contemporain, de la médecine basée sur des preuves. Au début des années 60 il a suivi, avant Claude Amiel, Gabriel Richet venu établir à l’hôpital Tenon ce qui va devenir un des grands centres de la néphrologie en France. Là, il a inventé et créé un laboratoire d’explorations fonctionnelles rénales, endocriniennes et métaboliques. Il y a développé en particulier l’analyse de l’équilibre hydro-électrolytique, acido-basique et phospho-calcique.
Il a inspiré et conduit une recherche à la fois clinique et cognitive. A titre d’exemple je ne montrerai ici que les travaux qui ont conduit aux publications les plus citées, c’est à dire autour de 140 fois. Il a multiplié les travaux d’investigation clinique dans différents domaines comme dans celui de l’hypertension. Notons qu’il a étendu cette investigation clinique jusqu’à nos amis les primates non humains. Il a aussi une dirigé une recherche cognitive dans l’unité INSERM 64 qu’il a dirigée 12 ans, après le Professeur Gabriel Richet et avant Pierre Ronco, recherche à laquelle j’ai participé avec grand plaisir. Au total il a publié 337 articles répertoriés dans PubMed, l’un des derniers dans Circulation il y a moins d’un an.
Son efficacité et ses qualités pédagogiques basées sur la grande clarté de ses connaissances font qu’il a participé à un grand nombre d’ouvrages didactiques comme le très célèbre textbook de Néphrologie Brenner & Rector. Puisque je parle de qualités pédagogiques, juste quelques mots pour mieux décrire sa personnalité : rigoureux et féru de mathématiques et statistiques ; mais pas seulement : aussi littéraire et incollable en histoire. Ces qualités sont servies par une mémoire sans faille avec un goût et une capacité de travail rares. La preuve ? Arrivé à l’âge de la retraite, il aurait pu, comme d’autres, cultiver des fleurs. On n’est pas étonné qu’il ait choisi d’utiliser son énergie à l’Académie de médecine, dont les portes se sont ouvertes grandes pour lui.
Et bien entendu, là, il continue de travailler, présidant la commission I de Biologie, participant à la commission XX de Technologies biomédicales. Mais l’Académie de Médecine n’occupe pas tout son temps. Il préside aussi, entre autres, la Fondation du Rein qu’il dynamise : distribution aux malades d’une carte des maladies rénales, appels d’offres pour le financement de la recherche néphrologique, réunions scientifiques avec les professionnels de santé, réunion d’information avec les associations de malades, site internet,…
La médaille Jean Hamburger couronne donc aujourd’hui un parcours exemplaire. A cette occasion, avec vous, je lui renouvelle mon respect et mon affection.
Laurent BAUD
Monsieur le Président, Cher Pierre,
Chers Amis,
J’ai été très touché par la décision du Conseil d’administration de la Société de Néphrologie de me décerner, cette année, la médaille Jean Hamburger. J’en remercie tout particulièrement son président Pierre Ronco. Je remercie également Laurent Baud de l’introduction trop élogieuse que vous venez d’entendre. Je voudrais en premier vous dire quelques mots sur mes liens avec la Société de Néphrologie et rappeler ce qu’ont été ses débuts.
La Société de Néphrologie s’est d’abord appelée Société de Pathologie Rénale. Elle est devenue Société de Néphrologie à l’initiative de Jean Hamburger qui voulait ainsi souligner que ses sujets d’étude dépassaient la pathologie des reins et incluaient tout ce qui concernait les reins, c'est-à-dire leur physiologie, biologie cellulaire, développement et structure. Il aimait rappeler que le terme était ancien puisque présent dans le « Littré ». Nos réunions se tenaient deux fois par an, en mai et octobre, d’abord à l’amphithéâtre Lavoisier de la Faculté de Médecine, rue des Saints-Pères, puis à l’Hôpital Necker. J’ai succédé comme secrétaire à Marcel Legrain en 1966 et ai rempli ces fonctions pendant six ans avec trois présidents, les Pr. Traeger, Mirouze et Reubi. Le Secrétaire était essentiellement chargé d’établir le programme des réunions de la Société et celles du Conseil d’administration. Les membres de la Société envoyaient un résumé de leurs communications qui étaient inscrites automatiquement au programme sans examen par un comité de lecture dans la seule limite du temps disponible. Les réunions groupaient une cinquantaine de participants. Même si j’embellis un peu le passé, les sujets traités traduisaient l’expansion des études néphrologiques, leur originalité et leur rapide progression. Quelques exemples montrent bien la créativité de l’époque avec l’identification de la néphropathie à IgA par Berger et Gall, les débuts de la microscopie électronique rénale avec Michielsen montrant la fusion des pieds des podocytes dans le syndrome néphrotique, l’utilisation des radioisotopes en physiologie rénale avec Morel conduisant à la démonstration de la sécrétion tubulaire du potassium, les premières publications de greffe rénale réussie par les deux groupes de Jean Hamburger et René Kuss. Jean Hamburger était la personnalité marquante de la Société et ses remarques attendues avec inquiétude. Le nombre des centres de néphrologie dans l’Europe francophone était réduit. En France, les premiers services spécialisés furent créés, en dehors de Paris, à Lyon avec J Traeger et à Toulouse avec JM Suc. En Belgique, Bruxelles et Liège comptaient deux néphrologues éminents les Pr Lambert et Nizet. La Suisse était représentée par F Reubi, de Berne et Alex Müller, de Genève. J’étais alors l’assistant de Gabriel Richet et notre petit groupe qui comprenait aussi, Claude Amiel et Liliane Morel-Maroger devenue plus tard Striker, s’efforçait de créer un nouveau centre de néphrologie sur la rive droite de la Seine, à l’Hôpital Tenon.
Je ne vous parlerai pas des différentes étapes de ma carrière que L. Baud vient d’évoquer, mais souhaite simplement insister sur quelques points :
1- Pour un médecin néphrologue universitaire, la recherche est le complément nécessaire de l’activité clinique et cette recherche doit toujours comporter un volet clinique. Il me semble nécessaire que dans ses années d’apprentissage, un futur néphrologue acquière une 2ème spécialité et les techniques qui l’accompagnent ; pour moi, ce fut la physiologie et la biologie cellulaire, mais ce peut être l’anatomie pathologique, l’immunologie, les processus de thrombose et de fibrinolyse, l’embryologie et le développement, l’imagerie de l’organe et de la cellule ;
2- La plus grande récompense est de former des élèves et d’avoir avec eux des relations confiantes. J’ai eu beaucoup de chances à cet égard et je voudrais terminer en les remerciant tous, L Baud, J Sraer, D Chansel, JC Dussaule, F Paillard, C Chatziantoniou sans oublier mon épouse à laquelle je dois tant. J’ai eu aussi la joie de voir P Ronco me succéder à la direction de l’Unité. Il a pu mener à bien la construction d’un nouveau bâtiment de recherches que j’avais initiée quelques années plus tôt et il a rassemblé autour de lui une équipe de chercheurs et d’universitaires de qualité. Comme j’avais tenté de le faire, il a su mettre la recherche clinique au premier plan de ses préoccupations. C’est un grand plaisir pour moi de pouvoir continuer à travailler avec lui au sein de la Fondation du Rein dont les néphrologues m’ont confié la présidence et dont P Ronco préside le conseil scientifique. J’avais dit, lorsque j’ai pris ma retraite, que j’avais abandonné successivement les fonctions de chef de service, directeur d’unité et professeur de physiologie comme les musiciens de la Symphonie des Adieux de Haydn quittant tour à tour la scène après avoir soufflé la bougie qui éclaire leur partition. Une bougie s’est rallumée pour moi et je suis revenu sur scène avec la Fondation du Rein ce qui m’a permis de prendre part de nouveau aux réunions du Conseil d’administration de la Société de Néphrologie. Je crois avoir maintenant bouclé le cycle. La médaille Jean Hamburger est donc pour moi la meilleure récompense que je pouvais souhaiter.
Raymond Ardaillou