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numéro 2

La notion de "bilan" apparaît aussi dans l'oeuvre de Galien

"La quantité d'urine excrétée chaque jour montre clairement que c'est la totalité des boissons qui devient urine, sauf ce qui est éliminé par les selles, par la sueur ou par la perspiration insensible. C'est particulièrement net en hiver chez ceux qui ne travaillent pas mais font la fête, surtout quand l'urine est pâle et abondante; ces individus urinent à peu près autant qu'ils boivent".

Comme il tient pour impossible qu'un organe de la taille des reins puisse sécréter quatre "Cogii" par jour (soit 15 litres, débit urinaire possible après beuverie), il juge improbable que les reins produisent eux-mêmes l'urine. "Ce que l'on boit va aux reins".

 

Pour quelle raison la structure du rein est-elle ce qu'elle est ?

Galien souleva cette fort délicate question dans son De usu partium (8). La composante aqueuse du sang est indispensable à la distribution des nutriments dit-il. Une fois sa tâche accomplie, la partie fluide du sang doit être évacuée, ce que fait le rein grâce à sa structure creuse. Les artères rénales sont presque du même calibre que les veines, ce que Galien avait montré précédemment et elles contiennent du sang et non de l'air contrairement à l'opinion soutenue par Erasistrate. Aussi conclut-il que les reins retirent au sang sa partie aqueuse. Une innovation de poids car il était alors admis que l'urine était le résidu du métabolisme du rein. Galien ignorant que le sang coule en sens inverse dans les veines et les artères, la seule conclusion qu'il pouvait tirer était que les reins purifient le sang provenant des deux vaisseaux.

 

Comment les reins peuvent-ils séparer l'urine sans laisser passer du sang dans l'uretère?

Galien trouve la réponse dans la texture du parenchyme. Celle de la rate est lâche, donc poreuse, ce qui permet au sang d'infiltrer l'organe. Le rein au contraire a une structure dense si bien que le sang, passant lentement, ne peut s'échapper vers le bassinet.

 

Galien et la pathologie rénale

Eknoyan analyse la merveilleuse logique de Galien disséquant le mécanisme des maladies urinaires à partir de données physiologiques (3).

 

La méthode générale

"Supposons que le malade n'ait pas uriné depuis trois jours. Nous devons aussitôt essayer de savoir où siège la cause des signes. Est-ce le rein, le foie, le poumon, la rate, l'estomac ou le cceur bien que ces derniers organes ne soient pas impliqués dans la miction. La méthode à suivre est la suivante. Le praticien doit s'enquérir de toutes les anomalies précédentes et présentes, c'est-à-dire analyser les signes actuels et chercher à savoir ce qui s'est passé avant la maladie auprès du patient et aussi de son entourage. Admettons qu'il constate une tuméfaction sus pubienne, ayant les contours d'une vessie pleine et qu'aucune urine n'ait été émise. Séparer la paralysie vésicale de l'obstruction totale de l'urètre n'est pas évident. Il faut alors avoir à l'esprit les circonstances où une telle paralysie peut survenir et tenir compte du mécanisme de la miction normale, relâchement des muscles entourant le col de la vessie et contraction de ceux de la vessie elle-même. L'ouverture du sphincter est volontaire : la contraction de la vessie est une manifestation naturelle, involontaire.

 

La paralysie vésicale

"II arrive que ce qui est appelé ischurie (absence d'urine) survienne quand la fonction d'expulsion de l'urine est altérée. Dans ce cas placez le patient dans une position où le col de la vessie est vertical et appuyez votre main sur la tuméfaction abdominale; l'urine doit alors s'écouler aisément. Si cette manœuvre est sans effet, vous pouvez écarter la paralysie vésicale. Vraisemblablement il s'agit d'une obstruction de l'urètre. Si le muscle entourant l'urètre était paralysé, ce n'est pas une rétention que l'on observerait mais une incontinence d'urine."

 

Obstruction du col de la vessie

"Considérons les trois mécanismes d'obstruction du col de la vessie, appelé urètre. Le premier est l'épaississement de la paroi vésicale, s'opposant à l'ouverture de l'urètre, ou un bourgeon charnu obstruant sa lumière. La deuxième est une tuméfaction du col de la vessie, inflammatoire, fibreuse, suppurée ou tumorale. Souvent les bourgeons charnus de la lumière urétrale accompagnent une ulcération avec exsudation prolongée, épaisse et visqueuse. Enfin le méat vésical peut être bloqué par une pierre, un caillot, du pus ou toute autre sécrétion visqueuse. Il est donc nécessaire de distinguer ces différents facteurs sans perdre de vue les symptômes passés et actuels."

 

Admettons que le patient soit un jeune garçon avec antécédents suggérant une lithiase, urines pâles et dépôts de sable, un "membrum virile" constamment irrité, rétracté ou distendu sans raison, chez qui brusquement toute miction cesse. Ces symptômes évoquent une pierre obstruant le col de la vessie. Couchez le patient sur le dos, soulevez ses membres inférieurs, secouez-le vigoureusement pour faire retomber la pierre dans la vessie et demandez-lui d'uriner. La miction vous apporte la preuve de l'exactitude de votre diagnostic... Si la rétention d'urine persiste, secouez-le à nouveau avec une vigueur énergique. Si malgré tout la rétention se prolonge, il faut recourir à l'instrument appelé cathéter pour écarter la pierre du col de la vessie ce qui provoque en même temps un flot d'urine".

"En l'absence d'antécédents de lithiase, si l'urine est sanglante, il est probable qu'un thrombus obstrue l'urètre. Toutefois, même en cas d'ulcération vésicale associée, un thrombus peut se constituer lentement et être à l'origine d'une rétention sans traces de sang dans les urines. Il est aussi possible que du sang provenant du rein donne naissance à un caillot. Si ce cas est soupçonné, le recours au cathéter est fort utile de même que lorsque du pus ou une sécrétion dense et visqueuse bloque le passage...".

 

Si aucune de ces manifestations n'a précédé la rétention d'urine, nous devons nous interroger sur le mode de vie du patient... La conclusion alors est que l'obstruction du col de la vessie est due à un bourgeon charnu né d'une ulcération... d'autant plus que l'urine s'écoule après le passage du cathéter. Je sais que cette affection existe, je la reconnais du moins lors du cathétérisme car le patient ressent une dou­leur au franchissement de la zone incriminée (hypertrophie prostatique)... ou que le passage de l'instrument fragmente le bourgeon charnu, avec sang et débris mélangés à l'urine."

Quel admirable tour de force que cette logique d'examen clinique. Aujourd'hui l'urologue ne pourrait mieux enseigner les bases de l'obstruction des voies basses.

 

Rein et maladies générales

Dans sa "Méthode de Médecine" , Galien esquisse le rôle des reins dans les maladies générales (9). D'abord les reins sont des organes chargés d'éliminer les substances indésirables. Ainsi "là où la fièvre et la moiteur prédominent, la maladie est putride ce qui peut se voir dans la sueur, l'urine, les excréments et le souffle". Il ajoute : "les stigmates de la pourriture peuvent être décelés non seulement dans l'urine mais aussi d'après le pouls". Ainsi "on peut guérir la putréfaction déjà constituée en évacuant par tous les moyens et en ramenant ce qui persiste à l'état d'humeurs saines en provoquant avec modération la venue des selles et en exposant le patient à une atmosphère douce. Et on doit même oser évacuer par les urines, les selles, la transpiration et les vomissements si les humeurs corrompues s'attaquent franchement à l'orifice du ventricule". Là, Gallien ne dispose pas d'informations physiologiques lui permettant de raisonner.

 

Évoquer les idées de Galien sur le rôle et les fonctions de l'appareil urinaire normal et ses modifications pathologiques révèle son exceptionnelle créativité. A cela s'ajoute une œuvre  écrite d'une rare ampleur. Rien de surprenant alors que Galien ait occupé pendant plus de quinze siècles une place prééminente dans l'Histoire de la Médecine.

 

 Bibliographie

 
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