par G. Richet
Historique de la biopsie rénale
par P. Michielsen
Anurie expérimentale et potassium. L'épopée de Feltz et Ritter
par A. Larcan
Du "milieu intérieur" de Claude Bernard à "L'homéostasie" de Walter B. Cannon
par J.M. Suc
Un physiologiste rénal méconnu : F. Wôhler
par G. Richet
Complément aux "néphectomies bilatérales"
par G. Richet et M. Lenoir
par Gabriel Richet
de l'Académie Nationale de Médecine
La néphrologie est une discipline reconnue depuis la fin des années cinquante, exhumée alors du Littré par Jean Hamburger. Si exhumer est la stricte réalité, le terme qui conviendrait le mieux serait naissance car, dans le passé, cette branche médicale était intellectuellement si pauvre qu'elle ne méritait même pas d'être dénommée.
La néphrologie était cependant déjà présente en médecine, fascinant les internistes car le rein était connu pour assumer une fonction essentielle : une excrétion conservant la constance de la composition de l'organisme. Si la pathologie chirurgicale des reins et des voies urinaires avait été lentement décrite au fil des siècles, en revanche les maladies médicales des reins, les néphrites, datent de R. Bright à Londres en 1827.
Quant à la physiologie rénale, elle n'a que très lentement progressé au 19ème siècle et à peine plus vite au début du siècle, pour suivre un rythme échevelé depuis 1930, sans tendance au moindre ralentissement. Les percées néphrologiques étonnent toujours aujourd’hui.
Dès 1950 la Néphrologie s'est enrichie de thérapeutiques d'une rare efficacité : régimes, correction de désordres hydroélectrolytiques, diurétiques et autres médicaments contrôlant l'excrétion de biométabolites, d'antihypertenseurs, sans compter les différents types de dialyse et la transplantation. Roger Martin du Gard ne pourrait plus aujourd'hui raconter la "Mort du Père" comme il l’a fait dans "Les Thibault".
La science néphrologique moderne est un des fleurons de la biologie, médicale et pharmaceutique heureusement envahie par la génétique et le génie moléculaire. Le pouvoir dont dispose maintenant la Néphrologie est l'aboutissement d'efforts, parfois vains mais toujours laborieux, s'échelonnant sur deux siècles. Cet itinéraire alimente la réflexion de tous ceux qui veulent comprendre le rein, cliniciens, chercheurs, enseignants ou simplement curieux du développement de la pensée. Connaître les étapes de l'acquisition des connaissances néphrologiques permet de mieux aligner, insérer et transmettre les idées concernant le rein.
Notre souhait le plus cher est que les fragments de l'épopée néphrologique que nous publierons à chaque livraison satisfassent les médecins, réputés pour leur soif de culture qui n'a d'égal que leurs exigences d'exactitude et de rigueur.
La néphrologie a beaucoup emprunté à de multiples spécialités qui, à leur tour, lui sont redevables de quelques uns des progrès qu'elles ont réalisés.
Cette même constatation vaut également pour la médecine interne, en raison du nombre grandissant de maladies rénales qui se révèlent être systémiques.
Néphrologie d'Hier et d'Aujourd'hui paraît donc pouvoir intéresser un lectorat plus large que celui des néphrologues et nous serions heureux de faire parvenir régulièrement ce document à tous ceux qui le désirent.
L'Urémie aiguë expérimentale par suppression, mécanique et absolue, de la fonction rénale apparaît deux fois dans ce numéro. Le premier article analyse l'oeuvre de Feltz et Ritter qui en 1881 ont démontré les premiers que la rétention de potassium est la seule cause de la mort de leurs chiens en urémie aiguë. Le second est un bref compte rendu de la thèse de Coindet soutenue en 1820 à Edinburgh soit un an avant le travail de Prevost et Dumas. Il n'y est pas question, ou à peine, d'anomalies humorales après binéphrectomie. La publication commune au physiologiste et au chimiste genevois marque donc bien un tournant de la pensée car elle introduit en pathologie une modification précise de la composition du sang.
En 1857 Claude Bernard créa la notion de Milieu Intérieur. Déjà au moment de sa mort le concept semble oublié. Il sera exhumé en 1926 par W. Cannon qui le fait intervenir en physiologie normale et pathologique. Une traversée du désert qui explique pour une part le retard pris par la physiologie rénale par rapport à celle d'autres organes.
Wöhler a réalisé la première synthèse de l'urée en 1827, titre de gloire qui lui donne déjà sa place en néphrologie. Mais avant d'être génial chimiste il était médecin et avait en 1824 étudié l'excrétion urinaire de multiples substances étrangères. De ses expériences, il dégagea plusieurs voies métaboliques, rénales ou non, et conçu, avec un siècle d'avance, l'excrétion urinaire comme équilibrant les entrées. Ses découvertes en chimie ont fait méconnaître la prouesse physiologique qui a marqué la fin de ses études médicales !
La biopsie rénale est si courante aujourd'hui qu'est souvent oubliée la révolution qu'elle a introduite il y a quarante ans, créant enfin une nosologie histologique basée sur des lésions jeunes et précises, remplaçant le vague d'une reconstruction aventureuse à partir d'altérations anciennes, dénuées de toutes spécificités. La liste des techniques investigatives auxquelles elle a ensuite donné naissance s'égrène à une rapide cadence : dissection des altérations par la microscopie électronique, identification immunologique des dépôts et biochimie dynamique du glomérule bénéficiant du concours de la biologie moléculaire, etc... Pièce essentielle de la néphrologie contemporaine, la biopsie rénale n'a pas fini d'étonner.
Gabriel RICHET
de l'Académie Nationale de Médecine