Dès lors, et malgré les efforts de certains (Habib et coll. 1961), les cellules mésangiales ne participent pas au premier démembrement des lésions glomérulaires.
Dans l'index du rapport de la réunion de la Ciba Foundation en 1961 on ne retrouve ni le mésangium, ni les cellules intercapillaires. Lors du Congrès d'Evian de 1960, M. Farquhar dont les avis font autorité signale "The question as to the existence of a possible third cell type is still highly controversial". Les interprétations des biopsies rénales partent dès lors sur des bases fausses et il faudra attendre plus de dix ans pour voir reconnaître leur identité et leur nature musculaire lisse, confirmant les travaux de Goormaghtigh en microscopie optique, de Yamada (1955) et du groupe de Necker en microscopie électronique (Michielsen 1960).
C'est en 1951 que la publication d'Iversen et Brun dans l'American Journal of Medicine fait entrer la biopsie rénale dans la pratique clinique. Dix ans plus tard, lors de la réunion de cliniciens et de pathologistes organisée par la Ciba Foundation à Londres, on rapporte les résultats de 5120 biopsies pratiquées dans les 15 centres représentés à cette réunion (Wolstenholme 1961). En 1963 Schreiner estime à plus de 20 000 le nombre de biopsies pratiquées aux Etats-Unis. Le démembrement des glomérulo-néphrites était devenu également le domaine des cliniciens. Leur dialogue avec les pathologistes devait s'avérer particulièrement fructueux.
Quarante ans après la première publication d'Iversen et Brun, le bilan de l'apport de la biopsie rénale est impressionnant. Le cadre simpliste : glomérulonéphrite aigüe ou chronique, a littéralement explosé, donnant le jour à plusieurs entités de signification différente.
1. Certaines glomérulonéphrites présentent des manifestations histologiques spécifi-ques, dont la présence signale, d'une façon non-équivoque, l'identité. La lésion histolo- gique signe ici l'individualité d'une maladie.
C'est le cas par exemple pour les dépôts denses au sein des membranes basales dans les glomérulonéphrites membranoprolifératives de type II. Ces dépôts qui ne sont pas des immunoglobulines, et qui ne sont pas localisés exclusivement au rein, sont présents dès le début de l'évolution. Après transplantation ils réapparaissent sous la même forme dans le rein transplanté. La même spécificité se retrouve pour les dépôts fibrillaires de substance amyloïde ou de chaînes légères dont la présence révèle l'étiologie de l'atteinte rénale.
2. Pour d'autres glomérulonéphrites idiopathiques, la biopsie a montré une constance remarquable dans la présentation. Ici la lésion en elle-même n'a pas de caractère spécifique, mais sa présence dans un contexte déterminé signale une entité histologique qui persistera tout au long de l'évolution de la maladie. C'est ainsi qu'une glomérulonéphrite extramembraneuse ou une glomérulonéphrite à IgA garde tout au long de son évolution ses signes distinctifs. Certains cas peuvent aussi récidiver sous la même forme dans le rein transplanté.
3. Dans certaines maladies comme le lupus ou dans certaines vasculites, les lésions rénales sont polymorphes. Ceci n'enlève cependant rien à l'utilité de la biopsie, car le degré d'évolutivité de la maladie présente une bonne corrélation avec l'image histologique.
La biopsie rénale a permis non seulement d'individualiser des identités nouvelles, mais aussi de suivre leur développement par biopsies itératives, offrant ainsi une base solide aux essais thérapeutiques. Avec le développement de la biologie moléculaire, elle nous ouvre des horizons nouveaux. L'utilisation de la technique d'hybridation in situ a déjà permis d'étudier au niveau cellulaire la synthèse de la rénine, de l'urokinase, de l'érythropoiétine et de la TNFalfa. L'amplification en chaîne par la polymérase a récemment ouvert l'étude de la formation du collagène dans la glomérulosclérose.
La biopsie rénale a dès le début été un champ d'application pour l'utilisation des techniques et des connaissances nouvelles, empruntées à diverses sciences fondamentales. D'un carrefour où se sont rencontrés cliniciens, pathologistes, immunologistes et physiologistes cellulaires, elle tend à devenir également le lieu de rencontre avec les biochimistes, moléculaires ou non. Cette ouverture sur l'extérieur qui fait tout l'intérêt de la Néphrologie, a largement contribué à l'essor rapide que connaît cette dernière-née des disciplines issues de la médecine interne.