La fréquence de l'insuffisance rénale et la place du déficit rénal comme facteur de mortalité vont croître progressivement chez les diabétiques au cours du 20e siècle. Les statistiques rapportées par A. Marble en 1955, à partir d'une enquête de la Joslin Clinic, concernant 600 décès observés chez des patients dont le diabète avait commencé avant l'âge de 15 ans entre 1898 et 1953, sont particulièrement explicites (21). Le pourcentage de décès par néphropathie est nul de 1898 à 1922, égal à 2% entre 1922 et 1936, à 12,3% entre 1937 et 1943, à 36,8% entre 1944 et 1949, enfin à 63% entre 1950 et 1953 ! Cette évolution est la conséquence de deux facteurs concomitants qui agissent dans le même sens : la réduction progressive puis la quasidisparition des morts par coma diabétique, l'allongement régulier de l'espérance de vie avec élévation de l'âge moyen du diabétique. L'amélioration du traitement du diabète ouvre paradoxalement la voie au développement d'une néphropathie diabétique avec insuffisance rénale. Une telle évolution est observée chez environ un tiers des diabétiques insulino et non insulinodépendants. Le diabète est la seule cause croissante d'insuffisance rénale terminale dans les pays développés, dont la France. Dès lors, diabétologues et néphrologues agissant en partenariat ont été, sont et seront encore longtemps confrontés au choix de la meilleure technique de remplacement de la fonction rénale chez le diabétique.
Au cours des années 60 le développement parallèle des techniques de dialyse et de transplantation rénale s'effectue de façon très progressive et ne concerne qu'un nombre très limité de patients. Les insuffisants rénaux diabétiques, compte tenu de leurs facteurs de risque surajoutés sont, durant cette phase de recherche, sauf exception, exclus de tels programmes thérapeutiques. Les premiers traitements par dialyse effectués chez des diabétiques se situent au début des années 70. Les résultats, en raison de complications infectieuses et vasculaires sont jugés par beaucoup très décevants. W. Kolff et ses collaborateurs n'hésitent pas à parler de la "triste vérité" qui sanctionne ces premières tentatives (11). Quelques équipes hospitalières, dont en France celle de l'hôpital de la Pitié, décident de poursuivre le combat et font de l'insuffisance rénale chronique terminale du diabétique un thème privilégié de soins et de recherche (1, 3, 13, 20).
Progressivement, le nombre de patients diabétiques pris en charge par dialyse et transplantation ne cesse de croître et l'amélioration des résultats est régulière. En Europe sur la base des statistiques de l'E.D.T.A. le nombre de diabétiques traités par dialyse passe de 37 en 1972 à 168 en 1973 et à 639 en 1976. Cette tendance se poursuit. Actuellement en France le pourcentage de diabétiques parmi les patients dialysés est de 10 %. La majorité de ces patients ont un diabète non insulino-dépendant et 30 % ont un âge supérieur à 70 ans... (5, 30).
Dialyse ou transplantation, le débat occupe la littérature depuis 30 ans et reste d'actualité. L'utilité de développer un programme intégré, hémodialyse-dialyse péritonéale-transplantation est largement soulignée par beaucoup d'auteurs. En pratique, le choix des méthodes de remplacement varie beaucoup en fonction des pays et des centres de traitement. La transplantation rénale a ouvert la voie à la transplantation pancréatique. La transplantation couplée rein-pancréas est la technique habituelle. Les résuItats s'améliorent régulièrement mais le nombre d'interventions reste faible (20).
150 ans après la découverte d'une protéinurie chez un diabétique, diabète et rein continuent leur marche en commun. Le diabète recherche pour le siècle suivant de nouveaux partenaires... Greffe d'îlots de pancréas, pancréas artificiel, thérapies géniques... protégeront le rein et consommeront la rupture de la liaison dangereuse.