les maladies > glomérulopathies héréditaires >
Le syndrome d'Alport est une maladie héréditaire rare (sa prévalence est estimée à 1/5000, et cette pathologie compterait pour environ 2% des insuffisances rénales terminales en Europe et aux Etats-Unis). Il s'agit d'une maladie qui touche un des constituants de la membrane basale des glomérules, le collagène de type IV. La membrane basale des glomérules est localisée entre deux types de cellules: les cellules endothéliales et les cellules épithéliales (aussi appelées podocytes) (voir notions de bases sur le rein normal) et joue un rôle majeur dans la filtration du sang pour former l'urine primitive. Les deux principaux signes cliniques du syndrome d'Alport sont (1) l'hématurie (présence de sang dans les urines) qui peut être macroscopique (visible à l'&œlig;il nu) ou microscopique (visible au microscope ou par une bandelette urinaire) et l'évolution vers l'insuffisance rénale et (2) la surdité. L'insuffisance rénale comme l'atteinte auditive sont d'évolution progressive. Les examens complémentaires permettant en général de faire le diagnostic sont l'étude de la biopsie rénale en microscopie électronique (qui montre un épaississement irrégulier et/ ou un amincissement des membranes basales glomérulaires, figure 1) et/ou l'étude en immunofluorescence de l'expression des chaînes de collagènes dans le rein et la peau (figure 2). La membrane basale du glomérule est principalement formée de trois chaînes de collagène (alpha 3, alpha 4, alpha 5), qui sont codées (voir notions de base de génétique) par trois gènes différents (COL4A3, COL4A4, COL4A5). Des mutations dans l'un de ces trois gènes peuvent être responsables de la maladie, c'est ce que l'on appelle l'hétérogénéité génétique (= des mutations touchant l'un ou l'autre ou le troisième de ces gènes peuvent être responsables de la même maladie). Ceci explique aussi les modes de transmission différents puisque le gène COL4A5 est situé sur le chromosome X, chromosome sexuel, (voir notion de bases de génétique) et est responsable des formes liées à l'X, et les deux autres gènes, COL4A3 et COL4A4, sont situés sur le chromosome 2 et sont responsables des formes autosomiques (récessives et dominantes) du syndrome d'Alport.
La forme liée à l’X du syndrome d’Alport (mutations COL4A5) est la plus fréquente : elle représente 80 à 85% des familles. Les garçons, qui n’ont qu’un chromosome X, ont une maladie en général sévère, avec une évolution plus ou moins rapide vers l’insuffisance rénale terminale, nécessitant la dialyse et la transplantation rénale. Les filles ont deux chromosomes X, mais un seul des deux s’exprime dans chacune de leurs cellules, de façon aléatoire. Les symptômes développés par les femmes sont donc très variables : rarement elles peuvent n’avoir aucun symptôme ou au contraire développer une insuffisance rénale sévère ; le plus souvent, elles ont une hématurie et une insuffisance rénale tardive et modérée. Les hommes transmettent la mutation à toutes leurs filles, en général peu malades, qui transmettent elles même une maladie plus sévère à 50% de leurs garçons ; ils ne la transmettent jamais à leurs fils. Les femmes transmettent la mutation à 50% de leurs enfants, filles ou garçons.
La forme autosomique récessive de la maladie est moins fréquente et représente environ 15% des syndromes d’Alport. C’est seulement lorsque le père et la mère transmettent chacun une mutation du gène COL4A3 ou du gène COL4A4 à un enfant que la maladie est présente. La maladie est aussi sévère chez les filles que chez les garçons. Les parents n’ont en général pas ou peu (hémaurie microscopique) de symptômes, et ils sont parfois apparentés. Ils ont 25% de chance d’avoir un enfant atteint.
Beaucoup plus rarement la maladie est autosomique dominante. Elle est à nouveau associée à des mutations des gènes COL4A3 ou COL4A4, mais cette fois une seule des deux copies du gène est touchée par la mutation. Elle touche les deux sexes avec la même gravité, elle est en général moins sévère (évolution plus tardive vers l’insuffisance rénale terminale), et les parents transmettent la maladie dans 50% des cas à leurs enfants, quelque soit leur sexe.
La protéinurie (présence de protéine et en particulier d’albumine dans les urines) apparaît après l’hématurie, et lorsqu’elle devient importante cela indique une aggravation des lésions des glomérules et nécessite une surveillance plus étroite. La prise en charge de l’insuffisance rénale est la même que dans d’autres maladies, afin de retarder l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale et le traitement par dialyse ou par transplantation. Après transplantation rénale, un très petit nombre de patient (environ 2%) développent une maladie car ils développent des anticorps contre le collagène de type IV.
Les signes extra-rénaux sont principalement la surdité et une atteinte de l’œil. La surdité n’est pas présente à la naissance, elle est progressive, touche les deux oreilles, et peut être appareillée. Dans la forme liée à l’X elle se développe avant 40 ans chez 80% des hommes et 10% des femmes. Dans la forme récessive, elle se développe chez environ deux tiers des malades. L’atteinte oculaire est moins fréquente, elle peut toucher le cristallin, la rétine ou la cornée, et est souvent peu invalidante. Beaucoup plus rarement des leiomyomes (tumeurs bénignes du muscle lisse de l’œsophage, des bronches et de l’appareil génital) sont associés à certaines mutations dans la forme liée à l’X de la maladie. Enfin dans certains cas des anomalies des plaquettes (cellules sanguines intervenant dans la coagulation du sang) ont été rapportées en association avec un syndrome d’Alport, mais on sait maintenant qu’il s’agit d’une autre maladie génétique (voir syndromes de Fetchner, May-Hegglin et Sebastian).
L’étude d’une petite biopsie de peau avec des anticorps reconnaissant les différentes chaînes de collagènes permets dans environ ¾ des cas de faire le diagnostic de syndrome d’Alport lié à l’X en mettant en évidence une absence de chaîne alpha 5 dans la peau des hommes, et une présence « discontinue » de cette chaîne chez les femmes. Dans certains cas cet examen permet d’éviter la biopsie rénale. Malheureusement l’inverse n’est pas vrai : la présence normale de cette chaîne ne permet pas d’éliminer le diagnostic de syndrome d’Alport lié à l’X.
COL4A3
COL4A4
COL4A5
Lien sur Orphanet